Les copains d’abord

C’est une page qui se tourne, encore une. On a beau s’y habituer, aux rencontres éphémères et aux joies passagères … et bien cela fait toujours aussi mal quand ça s’arrête. Bélen, ma petite chilienne, est partie la nuit dernière. Et me voilà de nouveau sur la route en solitaire. Mais pas pour très longtemps. 

Vous vous souvenez de Romain ? Mon pote français de Berlin retrouvé plus tôt à Buenos Aires. Il a pris un avion ce matin et me rejoint à La Paz. C’est un grand sportif Romain, et ensemble on s’est fixé un défi un peu particulier. À une cinquantaine de kilomètres de La Paz se trouve le Huayna Potosí. C’est un des plus hauts sommets de la « Cordillère Blanche » qui culmine à 6088 m d’altitude. En 3 jours on peut réaliser l’ascension mais seulement 50% des alpinistes y arrivent. Je te laisse deviner pourquoi.

Après quelques jours d’acclimation à 4000 m, on arrive à l’agence le lundi matin pour récupérer notre matériel : crampons, piolets, corde, casques et tenue pour les froids extrêmes (il peut faire jusqu’à -25°C au sommet). L’italien Giorgio, avec qui je voyageais en Argentine, rejoint lui aussi l’expédition . Notre guide vient nous récupérer à 8h et on file jusqu’au refuge, au pied du Huayna Potosí. Voici le programme :

Jour 1 : essai du matériel, pratique sur glace et acclimatation – altitude : 4800 m

Observations : l’air commence à manquer et chaque pas se fait plus difficile à cette hauteur. Récupération beaucoup plus lente. La soupe était bonne ce soir là. 

Jour 2 : ascension jusqu’au 2èmerefuge – altitude : 5200 m

Observations : on prend cher.

Jour 3 : c’est là que ça devient intéressant. Pour faciliter l’ascension avec une glace bien dure qui permet une bonne prise des crampons, il faut monter de nuit. Avec ces températures très froides, on évite aussi les risques d’avalanche.

Il faut que tu t’imagines, on s’est mis au lit à 19h la veille. Naturellement impossible de dormir, et ton réveil sonne à 23H. Encordés et équipés de nos lampes frontales, nous entamons l’ascension à minuit pile. 7H de marche et 900 m de dénivelé au programme. À mi-chemin Romain s’écroule à terre et vomit son petit-déjeuner. À ce moment précis on est à 5700 m et le plus dur reste à faire. Autant te dire que je ne suis pas confiant pour la suite. Le mec se surpasse et ne lâche rien. On arrive finalement ensemble au sommet. Et on observe le soleil se lever, sur le toit du monde. BIM !

C’est clairement un des trucs les plus durs que j’ai fait de ma vie. Je ne pense pas avoir déjà autant souffert, et pourtant on était prêt physiquement. Mais à 6000 m frère, ton cœur bat la chamade, t’es obligé de faire des micro-pas sinon tu t’essouffles et les nausées t’empêchent de raisonner correctement. Mais quelle expérience incroyable!

De retour à La Paz, on prend une petite journée de repos avant de repartir. Prochaine étape le Pérou. Toujours accompagné de mon acolyte, on longe le lac Titicaca avant de quitter la Bolivie. Et je suis très excité à l’idée de ce qui m’attend. Voilà presque 7 mois que je navigue en « solitaire » sur le continent sud américain, et mes potes d’enfance sont actuellement dans l’avion pour Lima. On se rejoint pour deux semaines de roadtrip ensemble. Point de rencontre : Aréquipa, une jolie ville coloniale du sud du pays. 

Voici un petit briefing sur l’équipe qui arrive :

Nom : Konne

Prénom : Pierre

Particularité : un sacré melon

Atout : Force de Frappe Financière

Faiblesse : petite taille

Nom : Nerrault

Prénom : Pierre-Louis

Particularité : grand et frêle

Atout : connaissance approfondie de la Microhouse roumaine

Faiblesse : Force de Frappe Financière

Nom : Rongoni

Prénom : Valentin

Particularité : râle beaucoup 

Atout : équipé comme s’il allait gravir l’Everest

Faiblesse : mental 

Nom : Celli

Prénom : Léopold 

Particularité : mange du cochon d’Inde

Atout : imperturbable

Faiblesse : troubles intestinaux

Je suis à l’aéroport pour récupérer ma bande de tocards. Quand je les vois arriver, avec leur sac Quechua sur le dos (ce sera bien la seule et unique fois qu’ils l’utilisent), l’émotion s’empare de moi. C’est ça en fait qui te manque le plus durant le voyage. Les potes et la famille. Et il ne pouvait rien m’arriver de mieux à ce stade du voyage que de les retrouver !

En bonne et due forme, on part à l’assaut des bars de la ville pour quelques tournées de Pisco Sour, le fameux cocktail local. Romain nous rejoint et il s’en suit une longue nuit à débattre des dernières sorties littéraires. Je plaisante, on a juste pris une branlée. 
Au programme à Arequipa, découverte de la gastronomie locale à travers le marché central et visite du plus grand couvent du monde : le Santa Catalina. Après deux jours sur place on part en direction du lac Titicaca et Romain s’envole pour la Colombie. Je dis au revoir à mon copain alpiniste et c’est une nouvelle équipe qui s’organise dans la Suz.

On prévoit de passer une nuit chez l’habitant sur une des îles du lac. Alors je m’attendais à une expérience authentique à dormir sur de la paille, mais c’était sans compter mes coéquipiers. Ils nous ont déjà dégoté une nuit dans un gîte tout confort, sur l’une des îles Uros, avec une magnifique vue sur le lac. Perché à 3812 m ce lac est considéré comme le berceau de la civilisation Inca. Les traditions ancestrales comme la pêche et l’agriculture ont été perdues et les habitants vivent maintenant du tourisme. C’est un peu moins authentique mais tout aussi joli. 

Après le lac le plus haut du monde, on prend la route pour Cuzco, l’ancienne capitale de l’empire Inca. 6h de route sous une pluie diluvienne et de nuit. Ça râle beaucoup dans la voiture. On est à 5 avec 5 gros sacs à dos donc oui, c’est un peu serré. On fera finalement une nuit étape avant d’arriver. Et quelle surprise quand on pénètre dans la ville ! L’architecture coloniale hispanique, ses balcons en bois sculptés et ses ruines de l’époque. Cuzco est une véritable pépite située au milieu de la Cordillère des Andes. On y mange bien, c’est animé et il y a de nombreux sites touristiques autour de la ville. Et demain au programme c’est l’ascension des « rainbow moutains » ou montagne des 7 couleurs. 5200 m d’altitude et première randonnée pour mes compatriotes. Les inquiétudes se font entendre, surtout que demain, le réveil sonne à 4h. 

La montagne des 7 couleurs doit sa teinte aux couches de sédiments accumulées depuis des millions d’années. L’ascension n’est pas difficile et en s’approchant du sommet on commence à apprécier les variations de couleur qui ressortent de la montage. Valentin prépare sa photo Instagram, Pierre-Louis gambade avec les lamas, Léopold traîne un peu le pas et Pierre pratique son anglais légendaire avec une allemande rencontrée en chemin. Le groupe vit bien.

Quelques photos et heures de route plus tard, nous voilà de retour à Cuzco. Et les troupes sont fatiguées. Mais ce soir c’est la seule fenêtre de tir possible pour faire la fête. Et oui, dans 2 jours on part pour le célèbre Chemin de l’Inca. Une randonnée de 4 jours qui te mène au légendaire site du Machu Picchu. Donc il faut tout donner.
Et nous serons presque au complet ce soir-là, seul un manquera à l’appel. Par respect du secret médical je ne citerai pas son nom, mais seulement la dernière phrase qu’il a prononcé avant de s’enfoncer dans son lit : « j’ai les jambes qui tremblent. La chiasse m’épuise. ». Paix à ton âme Léopold.

Le lendemain c’est J-1 avant le trek et tout le monde prépare son sac. Je les connais mes gaillards et là, ils ne sont pas hyper sereins.  On est passé à l’agence pour entendre le briefing du guide. Le 2ejour de marche s’avère être le plus difficile avec près de 1000 m de dénivelé à avaler. On se met donc tôt au lit et quand le réveil sonne c’est parti pour 4 jours de rando au coeur de paysages magnifiques.

Jour 1 : les troupes sont motivées. La marche est tranquille. Quelques averses nous obligent à sortir les ponchos. On fait connaissance des deux brésiliens et du couple d’allemands qui composent notre groupe. Mâcher la feuille de coca nous donne de l’énergie et le bœuf séché nous sert de récompense à chaque pause. 

Jour 2 : première nuit en tente pour la plupart de mes coéquipiers. Le moral est au plus haut même si le réveil à 5h45 pique légèrement. On entame l’ascension. 

7h03 : Pierre-Louis prend le maillot jaune et mène les troupes.
7h12 : Pierre Louis se blesse au genou et repasse en queue de peloton. 
8h45 : ça monte sec. Valentin commence à râler.
9h54 : Valentin râle toujours.         
11h09 : on nous annonce dans l’oreillette que c’est brochettes de bœuf ce midi.
11h10 : après une remontée spectaculaire Léopold prend la tête du peloton.
13h05: on ouvre la bouteille de rhum.
14h30: ? … %*!!

Jour 3 : une journée de pluie marquée par des averses et accompagnée de trombes d’eau. Par moment on observe aussi de fortes précipitations. Le brouillard nous empêche de voir à plus de 10 m. Malheureusement quelques éclaircis apparaissent durant la visite des sites Wiñay Wayna et Intipata, d’anciennes ruines inca. Pas facile …

Jour 4 : réveil 3h30 et départ 4h pour attaquer cette ultime journée de marche. Le Chemin de l’Inca est le seul des nombreux treks proposés qui te permet d’arriver directement sur le site du Machu Picchu. Nous arrivons et commençons la visite vers 6h.

Ce jour est symbolique pour moi. J’arrive sur l’une des 7 Merveilles du Monde, exactement 38 ans après le passage de mon père. Je suis accompagné de mes meilleurs amis, et c’est aussi le jour de mon anniversaire. Autant te dire que je passe un bon moment. On redescendra vers midi sur Aguas Calientes, le village en bas du Machu. Et il fallait bien arroser l’évènement, alors je te laisse imaginer ce qu’on a fait. Saleté de Pisco Sour

HASTA PRONTO ❤

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